Recherche: l'Ifasic défriche le champ de la communication banale

La communication banale : applications et expériences, telle est la thématique qui va être abordée par le numéro 2017/2 de la revue Cahiers Congolais de Communication, à paraître en décembre 2017. Réalisé sous la coordination des Professeurs Jean-Chrétien Ekambo, de l’Ifasic, et Ludovic-Robert Miyouna, de l’Université Marien Ngouabi (Brazzaville), ce numéro se propose d'apporter un éclairage sur une parcelle de la communication jusqu’ici demeurée dans l’ombre des recherches scientifiques. Un appel à contribution a bien été lancé à la communauté des chercheurs. La Direction du Centre de recherche en communication pose ainsi quelques balises intéressantes  pour la navigation dans ce secteur. L'argumentaire ci-dessous a été concocté quant à ce.    
En remontant le cours de l’histoire, l’on se rend compte que le phénomène général de la communication s’est trouvé confronté, à tous âges et sous toutes les latitudes, à un principal obstacle naturel : la distance entre communicants. Et même si la philosophie a souvent tenté d’élever la communication au rang des à priori catégoriels que sont l’espace et le temps, l’unanimité se dégage chez les analystes que les faits qui en relèvent n’échappent guère à un indispensable « processus d’instrumentation » (Meunier et Peraya, 2010 : 369).Cela amène dès lors tout chercheur à préciser sa posture par rapport aux dispositifs de communication qu’il veut observer. Car, le fonctionnement d’un dispositif prend toujours appui sur une « organisation structurée des moyens matériels, technologiques, symboliques et relationnels qui modélisent les comportements et les conduites sociales »[1]. Le dispositif de communication est donc à la fois structuré et structurant.Cette convergence au sein de la pensée communicationnelle a néanmoins conduit à une certaine dérive. En effet, la ressource électrique s’est érigée en arme victorieuse emblématique dans la lutte contre l’adversité de la distance. Cette vanité provient en grande partie des honneurs du Prix Nobel de physique en 1909 décerné aux co-lauréats italien Guglielmo Marconi (1874-1937) et allemand Ferdinand Braun (1850-1918). Leur vertu récompensée a été pour le second celle d’avoir réussi à accroitre au-delà de la quinzaine de kms la portée de la communication « sans fil », dont le premier avait réussi une monstration publique à Londres le 27 juillet 1896[2].Cette  « télégraphie sans fil » engendra ensuite le média radiophonique, inventif lui-même d’un nouveau type de communication caractérisé par l’ubiquité dans sa transmission et l’anonymat à la réception par un groupe social hétérogène. L’humanité toute entière en fut transformée, jusqu’à la mondialisation actuelle.D’où, lorsque de nombreux chercheurs redécouvrent sur le tard la définition de la communication proposée – il y a plus d’un siècle pourtant – par l’américain Charles Cooley (1864-1929), ils commettent l’erreur de dissocier ses deux composantes, le contenu et son support. Certes, d’une part, ce sociologue avait relevé « tous les symboles de l’esprit » et, d’autre part, « tous les moyens de les transmettre dans l’espace et de les maintenir dans le temps ». Mais, il avait déjà prévu aussi « tout autre moyen » considéré comme « le dernier achèvement dans la conquête de l’espace et du temps »  (Cooley, 1909 : 61).En d’autres termes, l’électricité à ce jour triomphante ne devrait guère s’octroyer l’exclusivité ni le monopole dans le processus de modelage du fait communicationnel. A tout corps social correspond, en effet, un système particulier de communication, avec une complexité de types de langage,  en rapport étroit et cohérent avec les structures mentales collectives du groupe (Lohisse, 1998 : 12).Mais, entre ces différents systèmes se glisse également et toujours une application particulière qui, à défaut d’une reconnaissance claire, force les scientifiques à lui trouver tout de même un nom : la communication banale. Le philosophe Gérard Guillot lui consacre un texte inédit dans son site-blog[3], même si ce terme n’a été défini, ni répété par ce penseur. Par ailleurs, toute une thèse doctorale a été consacrée à la conversation banale[4]. Toutefois, cette étude ne polarise pas l’attention sur la communication banale, stricto sensu. Elle s’arrête à la conversation banale, celle intervenant « entre inconnus dans les espaces de libre circulation » (Quidot, 2008 : 50).La communication banale semble ainsi ne pas offrir d’emblée les éléments de sa matérialité, ni ses indicateurs. L’architecture conceptuelle de la communication banale reste donc à construire. Ce processus devra alors faire appel à des théories qui prennent en considération tant « le parler ordinaire » (Labov, 1978) que « la conversation quotidienne » (André-Larochebouvy, 1984), aussi bien « le langage silencieux » (Hall, 1984) que « le bricolage du social » (Javeau, 2001). En bref, il sera question de bâtir un cadre théorique cohérent, de nature à rendre intelligibles et lisibles les « mille manières du quotidien » (De Certeau, 1980), qui donnent à un acte de communication un caractère banal.Telle est la nouvelle perspective de recherche qu’entreprend le présent numéro des Cahiers Congolais de Communication. Il entend initier la recherche sur « la communication banale » selon une approche à allure inductive. Les auteurs des articles sont invités à scruter leurs sociétés d’observation ou d’immersion afin de relever des particularités et spécificités permettant de confronter des cas particuliers avec l’aperçu général de la communication banale. Il ne s’agira cependant pas ici d’un portrait simple, quoique fin et détaillé. En effet, la description des cas de l’ordinaire de la communication devra conduire à relier leurs caractéristiques aux « déterminations plus globales d’une société » (Lohisse, 1998).En définitive, l’on attend des chercheurs qu’ils puissent dégager le facteur humain  créant « les arts de faire » qui contribuent à « l’invention du quotidien » (De Certeau, 1996), à travers l’une ou l’autre modalité de la communication banale. La communication banale ne relève donc pas du sens immanent ; elle est un « objet  sémiotique » dont le sens est à co-construire (Quidot, 2008 : 152).Ce numéro des Cahiers Congolais de Communication espère ainsi réunir de fertiles cas d’application et d’expérience de la communication banale, qui constitueront une matrice incubatrice des théories plus consistantes de ce phénomène communicationnel. Les auteurs auront ainsi contribué à enrichir la pensée communicationnelle en (dé)montrant comment la communication banale s’envisage comme arme de lutte contre la distance naturelle qui sépare les communicants.
Axes de recherche
Cette recherche sur la communication banale sollicite davantage les observateurs des faits de communication en société africaine. Il n’est cependant pas indispensable qu’ils soient affectés à des universités ou laboratoires fixés sur le continent africain.
Dans la mesure du possible, les chercheurs sont invités à préciser dans leurs textes les types de sociabilité qui ont présidé à la constitution des groupes sociaux qu’ils auront observés ou analysés. Il s’agit par exemple des regroupements de types suivants : ethno-clanique, ii) socio-géographique (ville/campagne), iii) socio-professionnel, iv) générationnel (jeunes/vieux) sexo-spécifique (femmes/hommes).

[1] Peraya, D., « Médiation et médiatisation : le campus virtuel », revue Hermès, 25, 1999, p. 153[2] Brevet déposé par Marconi pour « improvements in transmitting impulses and signals and in apparatus therefor » le 2 juin 1896 et complété le 2 mars 1897, sous le n° 12039.
[3] Guillot, G., « La communication banale », in : philo.gerard-guillot.fr, mise en ligne 24 novembre 2007, consultation 14 juillet 2015
[4] Quidot, S. La conversation banale : représentations d’une sociabilité quotidienne. Thèse de doctorat, Université Charles De Gaulle de Lille III, 2007

Pour toute manifestation d'intérêt, contacter: prof_ek@yahoo.fr.  A nos plumes ou, pour faire moderne, à nos tablettes!

Léon Mukoko

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